"… Au boulot, c'est confort maximum. Un bâtiment neuf, équipé dernier cri au milieu d'un grand pré ou vivent des chevaux. La rédaction m'accueille comme l'heureux élu que je suis. Quelques primes d'installation, un hébergement provisoire et une Falcon 500 (6 cylindres en V) qui me donne sur le route, face au soleil couchant, comme un goût d'Amérique. Mon anglais était moyen au début et mes collègues australiens avaient la patience de ne pas m'en tenir rigueur. Les Français s'en foutaient puisque nos émissions étaient exclusivement dans ma langue maternelle. Je mettais trois fois plus de temps à traduire mais à l'antenne personne ne s'apercevait de ma laborieuse préparation. Après des milliers d'heures à ingurgiter la télé, la radio, les journaux, les discussions, j'ai commencer à discerner les fondements de la langue courante pratiquée par ces millions de voix alentour. J'ai commencé à comprendre ce qu'on me disait et ébaucher une expression plus fluide … J'avais pour la première fois le temps de peaufiner mes émissions. En plus de l'info, je faisais un magazine hebdomadaire sur la société et la culture australienne. Je rencontrais des francophones pour l'alimenter et je partais parfois en reportage - festival, compétition sportive, visite du Pape ou foire agricole. J'allais au théâtre, au ciné, au concert. Et tout les matins je retrouvais ma machine à écrire entre café et cendrier, les collègues tout autour, la discothèque à deux pas et le studio de mes exploits. En ondes courtes on sait mal qui écoute. Mais on recevait parfois des lettres étonnantes comme celle de cet infirmier français qui tenait un dispensaire dans un village africain et qui sortait la radio pour que les habitants rassemblés écoutent nos émissions; ou encore de la base antarctique ou on nous retransmettait en FM. J'avais une énergie considérable et un savoir faire affirmé. J'ai fait admettre la nécessité d'une émission musicale quotidienne pour essayer de capter un auditoire jeune. Avec un collègues branché musique, on a créé Onde-Choc, enfant naturel du Pop Choc de ma jeunesse, mis au goût du jour. Je continuais donc d'élargir ma connaissance de la production musicale contemporaine en générale et du rock australien en particulier. Je gardais une oreille attentive à la Chanson française. Je n'avais pas abandonné l'idée de poursuivre mes ambitions de chanteur et je faisais des vocalises tous les matin dans un studio pour tenter de me donner enfin une voix convaincante. Je me produisais sur de petites scènes parfois avec des copains et j'étais très sollicité le 14 juillet (Bastille Day), par les restaurants français en quête d'animation folklorique."